Pendant les fêtes, la saison des fondues bat son plein. C’est le moment de partager un repas convivial entre amis ou avec sa famille, avec une belle montre au poignet. Certaines créations horlogères se rapprochent de ce plat typique de l’hiver en présentant des formes irrégulières, déformées ou asymétriques, qui attirent immédiatement le regard des convives et pourrait leur faire penser que votre précieuse montre aurait passé quelques temps au fond du caquelon.
« Michel ta montre a fondu ! » Voilà ce qu’on pourrait entendre autour de la table si l’un des invités portait une des montres présentées dans cette sélection. À vos spatules !
Les premières traces de montres fondues
En 1931, Salvador Dalí peint La Persistance de la mémoire, une œuvre emblématique du surréalisme, souvent surnommée “Les Montres molles”. Cette huile sur toile de petite dimension (24 x 33 cm) plonge le spectateur dans un paysage où le temps semble se liquéfier.
Le tableau présente un décor désertique inspiré des paysages de Port Lligat, ville natale de Dalí. Au premier plan, trois montres à gousset se déforment, leurs cadrans et aiguilles s’affaissent. L’une d’elles est recouverte de fourmis, symbole récurrent chez Dalí représentant la décomposition et le passage du temps.
Le contraste entre les éléments rigides, tels que l’arbre sec et les falaises en arrière-plan, et les montres molles, crée une tension visuelle qui évoque la relativité du temps et sa perception subjective, thèmes chers au surréalisme. Certains y voient une allusion aux théories d’Einstein sur la relativité, bien que Dalí ait affirmé que l’inspiration lui soit venue en observant un camembert fondant au soleil !
Cartier Crash : la star des montres fondues
La Cartier Crash, dévoilée en 1967, est une montre emblématique dont l’origine est entourée de légendes. Selon une anecdote persistante, une cliente aurait apporté à la boutique de Londres une montre endommagée lors d’un accident de voiture, sa forme déformée inspirant le design unique de la Crash. Cependant, cette version est contestée par certains historiens de l’horlogerie, qui attribuent plutôt la création de la Crash à l’initiative artistique de Jean-Jacques Cartier, alors directeur de Cartier Londres, désireux de refléter l’esprit du Swinging London des années 1960.
La première édition de la Crash, lancée en 1967, portait l’inscription “Cartier London” sur le cadran, soulignant son origine britannique. Ci-dessous deux photos d’une Cartier Crash « London » vendue chez Phillips au mois de novembre.
En 1991, Cartier a réédité la Crash en or, limitée à 400 exemplaires, chaque pièce arborant “Cartier Paris” sur le cadran. On remarque des modifications sur la typographie utilisée pour écrire « Cartier » ainsi qu’un restylage du boîtier : les formes de la Crash Paris sont un peu moins affirmées que celles de la Crash London.
En 2017, pour célébrer le 50ᵉ anniversaire du modèle, Cartier a lancé une nouvelle édition limitée à 67 exemplaires, en hommage à l’année de sa création, avec une production d’une montre par mois. Cette dernière édition est reconnaissable grâce à l’inscription « Swiss Made » sur le cadran.
Aujourd’hui, la Cartier Crash figure toujours au catalogue de la maison et fait l’objet de nombreuses commandes spéciales, témoignant de son attrait intemporel et de son statut d’icône dans l’univers horloger.
La famille Falcone
Dino et Roberto Falcone, père et fils, étaient des horlogers milanais inspirés par l’univers surréaliste et notamment par La Persistance de la mémoire de Dalí, leurs créations sont devenues des pièces de collection rares et recherchées.
Les montres Falcone se distinguent par leurs boîtiers en or jaune ou blanc aux formes irrégulières, associées à des cadrans en émail où figurent des chiffres arabes stylisés et des aiguilles en acier bleui. Certaines pièces intègrent des complications comme l’affichage des phases de lune ou des jours de la semaine, tout en conservant une esthétique déstructurée.
Fabriquées en quantités extrêmement limitées dans les années 1980, chaque montre porte la signature de Dino Falcone (“DF”). Ces créations apparaissent rarement aux enchères, mais lorsqu’elles le font, elles suscitent un grand intérêt auprès des collectionneurs.
Berneron
Avec la Mirage Prussian Blue, Sylvain Berneron fait une entrée remarquée dans l’univers des montres asymétriques et plus généralement dans le monde des horlogers indépendants. Dernière-née de ce style audacieux, elle pousse l’approche déstructurée à son paroxysme tout en réussissant une parfaite harmonie entre esthétique et mécanique. Alliant innovation technique et design hors norme, cette montre établit un nouveau standard dans l’horlogerie contemporaine, où chaque détail reflète une vision artistique avant-gardiste.
En 2022, Sylvain Berneron quitte son poste chez Breitling et investit quinze ans d’économie dans sa propre marque, Berneron SA. Son ambition est d’explorer des directions créatives audacieuses et inédites.
C’est en 2023 après trois années de développement que Berneron dévoile la Mirage Prussian Blue. Cette pièce se distingue par un boîtier en or blanc de 38 mm, un cadran avec une minuterie bleu de Prusse et un boîtier de forme conçu sur mesure pour épouser les courbes uniques du mouvement. Rien n’est laissé au hasard sur cette pièce (les pompes du bracelet sont en or !), comme en témoigne les finitions irréprochables côté mouvement et cadran, photos à l’appui. Chaque détail de la pièce est pensé pour adopter ce style fondu, jusqu’au pont du balancier. Il faut également souligner la finesse de la pièce avec une épaisseur totale de 7mm.
La Mirage est reconnue pour son esthétique innovante et sa rupture avec les conventions horlogères traditionnelles. En novembre 2024, la Mirage Sienna (déclinaison en or jaune de la Mirahe) a remporté le Prix de l’Audace au Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG), récompensant son design et la vision créative de Sylvain Berneron. Cette reconnaissance souligne le grand succès de la Mirage auprès des amateurs d’horlogerie indépendante et de créativité débridée.
Qu’elles soient fondues ou simplement audacieuses, ces montres nous rappellent que, comme une bonne fondue partagée entre amis, l’horlogerie est avant tout une affaire de passion et de plaisir.